samedi 15 mars 2008

De la sarkomania à la sarkophobie - Abbé G. de Tanoüarn

Objections - n°15 - mars 2008 - page 1

De la sarkomania à la sarkophobie - Abbé G. de Tanoüarn

Le président Sarkozy, en plus d’être un homme d'État mondialement connu, à défaut d’être toujours et partout reconnu, est-il devenu un phénomène spirituel, focalisant le mal de vivre de la France d’en bas, les fantasmes bling bling de la France d’en haut, et le besoin de reconnaissance des médias, qui n’ont jamais autant passé les plats, jamais autant servi et desservi qu’en ce début de quinquennat ? Le pouvoir a toujours eu, en France, une dimension symbolique forte, il suffit d’aller à Versailles et de hanter la Galerie des Glaces enfin magnifiquement restaurée pour s’en convaincre. C’est que l’unité nationale, dans un pays tôt divisé entre catholiques et protestants ne va pas de soi. L’autorité, pour être reconnue, est condamnée à se donner à voir, dans toutes sortes de postures, qui pour les étrangers seraient baroques, et qui rassurent notre peuple toujours divisé d’avec lui-même sur sa capacité à exister en tant que peuple. Jamais sans doute le verbe représenter, l’idée de la représentation n’a été menée si loin qu’en France. Le pape Pie X disait déjà, au début du XXe siècle, en pleine guerre des deux France, que les Français sont naturellement monarchistes. Je me suis souvent interrogé sur cette formule. Je crois qu’elle signifie ce besoin éperdu d’une symbolique collective, qui s’incarne dans une idée (la République) mais surtout, parce que c’est tout de même plus naturel, dans un homme.
Nicolas Sarkozy hérite de cette longue tradition. Et d’abord, l’hyperprésident l’habite avec maestria. Il est celui à qui rien n’est impossible. Il a promis, il tiendra sa parole, il fera les réformes que tout le monde attend et il réconciliera la France avec elle-même. C’est l’état de grâce. Nicolas Ier guérit les écrouelles spirituelles de la France. Ne serait-il pas, redivivus, l’enfant du miracle ?
À cette époque, il s’agit des premiers mois du Quinquennat, entre mai et nove m b re, quelques grincheux se hasardent à déplorer le retour d’une monarchie élective. Ils ne sont pas entendus. On attend beaucoup, on attend tout de ce nouveau « sauveur de la France », auquel la France amoureuse chante son Sarkozy nous voilà ! C’est la raison pour laquelle personne ne fait attention à ceux qui craignent une hypertrophie de la représentation, une peopolisation de la vie politique. Enfin il se passe quelque chose ! Ce pays n’est donc pas mort puisqu’il a un président si vivant ! Le concert est tellement unanime qu’on parle de Nicolas Ier comme d’un stratège exceptionnel ; on murmure qu’il a acheté la presse. On voit aujourd’hui, à travers le déchaînement médiatique que l’argent n’avait un rapport que tout à fait ponctuel avec la situation d’adulation collective, de sarkomania, qui a caractérisé les premiers temps. Le problème est que tout le monde y a cru, Sarkozy ou l’American dream en VF. Chacun s’est senti floué quand le magicien a montré qu’il n’avait rien dans son chapeau et que les caisses étaient vides. Je me souviens d’une conférence de presse. Nicolas a été brutal. Il a lui-même rompu le charme sous lequel il tenait la France. Aujourd’hui, elle lui en veut de l’avoir fait rêver.
C’est avant tout parce que Sarkozy a refusé d’être roi, parce qu’il a voulu vivre au vu et au su de tous son propre rêve bling bling qu’il se trouve aujourd’hui en chute libre dans les sondages, selon la formule consacrée. Quant à la France, elle se réveille avec la gueule de bois des lendemains de grands soirs. Qu’est-ce que cela signifie ? Que les idéologies sont mortes, mais que ce pays, au moins dans son ensemble, n’a toujours pas réalisé que la responsabilité se partage autant que la souveraineté. Il continue de croire aux lendemains qui chantent et aux marchands de promesses, pour pouvoir persévérer, tranquille, dans cet individualisme pathologique, dont la France en tout temps a donné l’exemple.
Où l’on voit que le problème politique aujourd’hui en France n’est pas tant un problème technique ou technocratique qu’un problème spirituel. Mgr Anatrella a parlé naguère de société dépressive. Je ne crois pas que les maladies psychiques puissent être collectives. Mais les angoisses et les croyances, le s espérances et les inhibitions, les élans et les blocages, eux, le sont bel et bien. Le mal français dont se gargarisa Peyrefitte est un mal à l’âme. C’est l’âme de la France qu’il faut guérir. Par exemple en lui rappelant ses origines chrétiennes.