samedi 15 décembre 2007

L’événement - Les orthodoxes ont signé

Objections - n°12 - décembre 2007 - page 3

L’événement - Les orthodoxes ont signé

Les accords de Ravenne inaugurent une nouvelle phase du rapprochement entre catholiques et orthodoxes. Ce qui est fait et... ce qui reste à faire.


A la fin du pontificat de Jean-Paul II l'oecuménisme apparaissait comme en perte de vitesse. Après les retrouvailles de 1995 avec le Patriarche Bartoloméos et la grande espérance d'un rapprochement entre Rome et Constantinople, les projets ont paru tourner court. La Commission mixte qui se réunissait pour discuter de la question de l'autorité dans l'Église a dû interrompre ses travaux durant sept longues années. Il faut reconnaître que le battage au sujet de grands événements interreligieux sur le modèle de la réunion d'Assise en 1986, ont largement contribué à détourner l'attention. Au lieu de réfléchir à une unité de tous les chrétiens dans la Tradition catholique (c'est-à-dire universelle) – ce qui est la définition de l'oecuménisme – on a tenté de promouvoir de grands coups médiatiques, fondés sur des idées fort obscures, comme celle selon laquelle nous avons tous le même Dieu. Dans cette dernière perspective, la raison humaine substituait en fait ses propres schémas – et ses concepts – à la Parole transmise et à la fidélité inconditionnelle qu'elle nous commande.

L'avènement de Benoît XVI a largement contribué à clarifier cette situation. Désormais, comme le soulignait récemment le cardinal Kasper, « l'oecuménisme n'est plus une discussion, c'est un mandat ». Et, comme aux conciles de Lyon (1274) et de Florence (1338), le premier souci est celui de l'unité à réaliser en surmontant le schisme de 1055 : pour qu'enfin l'Église respire avec ses deux poumons!

Dans ce contexte le document signé à Ravenne concernant l'autorité dans l'Église, publié le 23 novembre dernier, est d'une extrême importance. Hélas, les orthodoxes eux-mêmes se sont divisés, puisque seuls étaient présents les représentants de Constantinople, ceux de Moscou ayant claqué la porte! Il faut tout de suite ajouter que Moscou n'a aucune hostilité sur le fond contre cet accord, ainsi que nous le précisait le mois dernier dans ces colonnes le Père Alexandre Siniakov. La querelle était interne aux orthodoxes, elle manifeste combien est fragile la cause de l'unité des chrétiens.

Le cardinal Kasper, dont on doit craindre les dérapages sans nier la compétence, a lui-même déclaré au Consistoire du 23 novembre: « Pour la première fois, les Églises orthodoxes nous ont dit Oui, il y a conciliarité, synodalité et autorité. Elles reconnaissent cela au niveau universel de l'Église. Cela veut dire qu'il y a même un primat, selon la Tradition de l'Église ancienne ». Mais il re connaît aussitôt : « Sur la nature des privilèges de l'Église de Rome, nous avons indiqué seulement les grandes lignes ».

Autrement dit, un accord se dégage pour reconnaître le Primat romain. Les discussions entre orthodoxes et catholiques portent sur la manière dont doit s'exercer l'autorité suprême dans l'Église.

En ce point, il faudrait sans doute que Rome revienne non pas seulement à la doctrine de l'Église sacrement; comme il est annoncé de façon fort conciliaire dans le titre du document, mais à sa théologie bimillénaire de l'autorité. Au lieu de vouloir faire reconnaître un pouvoir administratif au niveau universel (pouvoir qui est celui du Patriarche dans son Patriarcat), ne faudrait-il pas insister sur le fait que le pouvoir de gouverner est strictement subordonné au pouvoir d'enseigner. Pour paraphraser saint Augustin, c'est dans la mesure où Rome parle que la cause est entendue. Le gouvernement romain, en tant qu'il est universel, tire sa légitimité du Magistère pontifical, et de rien d'autre. Aujourd'hui ce sont ces catégories antéconciliaires (supériorité du Magistère sur la juridiction) qui feront avancer la cause de l'union des chrétiens dans l'unité catholique.

Pour être plus simple, si Rome se centre sur son charisme d'infaillibilité, tel qu'il a été défini à Vatican I, revendiquant de l'exercer de façon ponctuelle en fonction des besoins de l'Église universelle, elle présiderait efficacement à la charité, sans fa i re peser en dehors du Patriarcat d'Occident, un pouvoir humain, trop humain, dont les Orientaux ont sans doute raison de se méfier.

Abbé G. de Tanoüarn