Objections - n°11 - novembre 2007 - page 1
Le scénario de l'espérance - Abbé Guillaume de Tanoüarn
Nous en avons plusieurs témoignages oraux : le 11 septembre dernier le Conseil permanent de l'épiscopat français a commencé d'élaborer une ligne de conduite commune, face aux traditionalistes. L'événement est passé inaperçu. Sa signification risque bien pourtant d'être considérable. Au cours de cette réunion, chacun s'est répandu sur le peu de demandes suscité par le Motu proprio Summorum pontificum, dans lequel, le 7 juillet précédent, le pape Benoît XVI octroyait aux fidèles catholiques le libre choix du rite traditionnel. Voilà en tout cas ce que La Croix a retenu de ce débat mitré : il y a peu de demandes.
Le raisonnement des Eminences et des Excellences est simple : s'il y a peu de demandes, on peut y satisfaire. Avec les moyens du bord. Avec le peu de moyen, avec le petit nombre de prêtres en activité dans les diocèses. Pas question d'accepter des transfusions de sang neuf. Notre effectif, déjà réduit et faisant face aux regroupements paroissiaux (une paroisse pour cinq dix ou vingt clochers) est tout à fait en mesure de faire face à ces nouvelles demandes... puisqu'elles sont peu nombreuses.
Deux exemples tout récents de cette nouvelle attitude collective pourraient bien défrayer la chronique dans les jours à venir. L'évêque de Marseille, Mgr Pontier, a exigé que les fidèles attachés au rite traditionnel, qui, sous sa juridiction, avaient trouvé refuge dans l'église Notre Dame de la Palud, en plein Centre ville, quittent cette église (qui sera désormais fermée : une de plus !) et rejoignent l'église voisine de Saint-Charles. La messe traditionnelle y sera dite par des « prêtres de passage » (sic), en attendant les dimanches où forcément, il ne s'en trouvera pas... à passer. Cette solution a paru tellement énorme et si mal bricolée que les fidèles ont déjà obtenu un moratoire d'un mois pour sa mise en application.
Deuxième exemple : à Avignon, l'évêque Mgr Cattenoz, plus avisé et conscient qu'il ne dispose pas forcément chez lui de prêtres capables de célébrer la messe selon le rite traditionnel, vient d'annoncer la création d'un groupe de prêtres, anciens des Fraternités traditionalistes désormais incardinés, comme à Versailles ou à Lyon, ou encore prêtres diocésains souhaitant célébrer le rite traditionnel et qui l'apprendraient au sein de ce groupe. Le nom choisi par l'évêque est à lui seul tout un programme : Totus tuus. Pas question en effet de collaborer avec des prêtres qui ne seraient pas tout à soi, c'est bien l'esprit de la réunion du 11 septembre dernier.
C'est en effet le deuxième volet que comporte cette réunion. A la faveur du silence gardé par le pape Benoît XVI dans son Motu proprio sur les Communautés traditionalistes, il a été décidé qu'elles resteraient, les unes et les autres, le plus possible, privées de toute extension nouvelle. Face à d'éventuelles demandes, le slogan des évêques est simple : « On a les mêmes à la maison ».
Simple et pas vraiment nouveau. C'était déjà au nom d'un tel slogan que l'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin avait unilatéralement dénoncé le contrat qui liait son diocèse à la Fraternité Saint Pierre, en incardinant lui-même trois prêtres dissidents de cette Fraternité et en leur donnant l'église que le cardinal Albert Decourtray avait naguère mise à la disposition de la Fraternité Saint Pierre. Ce coup de force épiscopal se justifiait suffisamment aux yeux du jeune et nouveau leader de la chrétienté lyonnaise par ce simple bénéfice : désormais ces prêtres traditionalistes sont tout à moi !
Ce que les évêques pris en corps n'ont pas compris, c'est que cette politique d'exclusion, manifestement concertée, est révoltante et contraire au sens commun. Lorsque le bateau coule, demande-t-on à ceux qui se présentent pour écoper s'ils font partie du personnel embauché au départ ? Et lorsque les Twin towers se sont effondrées, a-t-on demandé aux sauveteurs leur brevet de pompier du port de New York. C'était en 2001, mais c'était déjà... un 11 septembre.
Je suis persuadé qu'il existe un autre scénario que ce scénario catastrophe, celui que le Saint Père suggérait dans l'exhortation apostolique Sacramentum caritatis (n°25) : « Un travail de large sensibilisation est nécessaire. Les évêques impliqueront dans les nécessités pastorales les Instituts de vie consacrée et les nouvelles réalités ecclésiales dans le respect de leur charisme propre, et ils solliciteront tous les membres du clergé à une plus grande disponibilité pour servir l'Eglise là où il en est besoin, même au prix de sacrifices ». C'est à ce scénario d'espérance que nous devons tous travailler.
Abbé Guillaume de Tanoüarn