vendredi 15 février 2008

Le “génie” de la Révolution française - Abbé G. de Tanoüarn

Le “génie” de la Révolution française - Abbé G. de Tanoüarn

L’éditeur est à la recherche d’un bon coup éditorial. Il n’a pas d’œillères. Aucun parti pris. Sa qualité d’ecclésiastique (et je dirais plus précisément de dominicain) lui confère une liberté intérieure, peu commune par les temps qui courent. Après une conversation avec un de ses auteurs et amis sur les mythes politiques, parfois sanglants, qui donnent à l’histoire de France ce petit côté surréaliste que vous ne trouvez nulle part ailleurs dans le monde, ni une ni deux, le Père Escande se décide (c’était il y a deux ans) : il lance l’idée d’un Livre noir de la Révolution française. Seulement voilà : il ne s’agit plus d’un simple coup éditorial. Lorsqu’on se donne consciemment comme modèle Le Livre noir du communisme, lorsqu’on se propose comme premier objectif de travailler avec Stéphane Courtois, le responsable de l’élaboration du Livre noir du communisme, publié en 1997 et tiré à 1 million d’exemplaires, on se lance dans une véritable aventure intellectuelle. Le Père Escande est prêt. Il groupe autour de son idée un collectif. Première originalité : il n’y aura pas que des historiens. La Révolution française est aussi, pour nous, un événement contemporain, qui vaut à la fois par l’historiographie abondante qu’il a suscitée et par les critiques qu’il ne cesse de générer, critiques positives, critiques négatives, mais évidemment un Livre noir portera davantage sur le négatif.

D’abord les faits. Ensuite la réflexion sur les faits. Cette deuxième partie du Livre noir est la plus audacieuse. D’un peu partout aujourd’hui que le succès est acquis avant même la sortie en librairie (31 janvier), de multiples demandes affluent déjà chez l’éditeur : il faudrait plus ! Les 800 pages du premier Livre noir ne sont pas suffisantes, parce qu’il y a deux idées en une : il faut revenir sur les faits ; et il faut décrire encore le “génie” de la Révolution française. Philippe Murray avait écrit « Le XIXe siècle à travers les âges », on devrait réaliser « La Révolution française à travers les âges ». François Furet, étudiant Edgard Quinet, Alexis de Tocqueville, Augustin Cochin, avait commencé magistralement ce travail. Mais François Furet était un solitaire. Précocement disparu, il ne laisse pas de vrais disciples. Le Père Escande reprend le flambeau. Il a officialisé cette perspective, qui était celle de Furet, en en faisant un objet d’études pour la communauté scientifique tout entière. C’est, je crois, la Révolution intellectuelle que porte ce Livre noir, cette manière de considérer la Révolution française comme un objet transgénérationnel.

Conséquence logique : l’histoire n’est plus la seule matière sollicitée. On trouve aussi dans ce Livre noir l’histoire des idées et l’anthropologie. Témoin, ce curieux article du Frère Pothin, dominicain, sur la Révolution, sa devise – liberté, égalité, fraternité – et son rapport au père. Au père absent. Au père dont on a voté la mort. Ernest Renan disait déjà : « En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution a guillotiné tous les pères de famille » – au moins sous le rapport de leur paternité. Le même Renan, cité par Dominique Paoli, est plus précis encore ailleurs : « Avec leur mesquine conception de la famille et de la propriété, ceux qui liquidèrent si tristement la banqueroute de la Révolution préparaient un monde de pygmées et de révoltés ».

Le meurtre public du père a produit une carence de légitimité politique, qui est spécifiquement française. Comme est spécifiquement française l’hypertrophie compensatoire du langage qui se substitue à la réalité et « réclame l’effacement du sujet dans la constitution du champ politique », comme l’explique un autre dominicain, Renaud Silly dans son bel article sur « Taine, historien de la Révolution française ».

Plus que jamais, dans notre individualisme débridé, nous vivons l’effacement du sujet, la carence de démocratie réelle, c’est-à-dire le triomphe inconditionnel de toutes les technostructures, seules aptes à porter, dans leur muette et inexorable puissance, cette Infaillibilité que s’est donné jadis la République, coupeuse de têtes et conquérante de terres.

Il n’y a plus de têtes coupées, mais il reste le Mythe. De Gaulle avait tenté d’inventer le souverain républicain, pour incarner le Mythe. Mais toute autorité personnelle tend à disparaître. Le président de la République en est réduit à faire la Une de la presse people pour exister, comme une vulgaire Reine d’Angleterre.

Que reste-t-il ? L’idée, qu’elle soit européenne ou mondialiste. Depuis 1789, la France se vit comme l’idée de la France. Tel est le “génie” de la Révolution. Mais gare à l’idéocratie !

Aimez-vous l’omelette norvégienne ? - Abbé G. de Tanoüarn

Aimez-vous l’omelette norvégienne ? - Abbé G. de Tanoüarn

À l’heure où se multiplient les vrais faux bruits d’un rapprochement entre Rome et la Fraternité Saint Pie X, l’abbé Patrick de La Rocque, ancien patron de la Lettre à nos frères prêtres, propose une analyse de l’encyclique de Benoît XVI Spe salvi. Une occasion pour nous de pénétrer dans l’encyclique sans effraction. « La réponse donnée par l’encyclique est des plus décevantes, parce qu’elle ne reprend pas à son compte la nature de l’espérance chrétienne » ne craint pas d’écrire Patrick de La Rocque d’entrée de jeu. Avantage : le lecteur sait immédiatement à quoi s’en tenir. Oh ! pas tant sur l’encyclique : 120 pages sur 50 longs paragraphes, ça mérite une analyse plus fouillée. Le lecteur sait à quoi s’en tenir sur les sentiments qu’éprouve l’abbé à la lecture de l’encyclique. Avec de tels procédés, impossible d’être déçu par cet article : on sait où on va ! Vous n’avez pas compris ? « Benoît XVI n’a pas estimé pouvoir s’appuyer sur la foi de ses lecteurs pour leur enseigner le contenu et le motif de l’espérance chrétienne ». Et d’enfoncer le clou : « Aussi Benoît XVI cherche-t-il simplement à éveiller chez ses lecteurs leur dimension spirituelle, utilisant pour cela une dimension philosophique ». L’abbé de La Rocque estime donc que Benoît XVI fait de la philosophie et que cet “éveil de la spiritualité” aurait pu concerner des élèves de Terminale, préparant le bachot, mais pas des catholiques, assoiffés de théologie.

Saint Bernard et saint Paul contredits

Nous sommes tout près du poncif. Si vous en restez à cet article attrapé par hasard sur la Porte Latine, vous maudissez le professeur devenu pape et qui n’a pas compris qu’il n’était plus enseignant mais Pasteur. Mais si, par hasard, vous ouvrez l’encyclique (vous pouvez la commander au Centre Saint Paul pour le prix de 5 euros franco), alors votre indignation se fige. C’est la stupéfaction qui la remplace. Vous vous demandez si l’abbé a eu le même texte que vous.

En effet, dès les premiers paragraphes, Benoît XVI insiste sur la célèbre formule de l’Épître aux Hébreux : « La foi est la substance de ce que l’on espère ». Il ne faut pas avoir fait beaucoup de théologie pour comprendre que saint Paul nous explique : foi et espérance même combat. L’espérance au fond n’est rien d’autre que la foi devenue substantielle, la foi devenue réelle, la foi à l’épreuve du temps qui passe, la foi informant concrètement une vie d’homme. Attention, précise Benoît XVI, dans la plus pure tradition catholique, il ne s’agit pas seulement de chercher un sens, de trouver un élan, d’avoir sous la main une justification a posteriori de son existence. Tout cela sent l’élaboration secondaire, dirait le psychanalyste du coin de la rue. C’est du réchauffé. Le pape ne nous offre pas la vie en réchauffé, il ne nous propose pas une nième élaboration secondaire. Il nous explique que l’espérance nous transforme, qu’elle change jusqu’à notre être même. Là encore, on se demande si l’abbé a lu le même texte : « La possibilité de l’accès à l’être n’étant plus souligné, seule l’expérience de Dieu devient le fondement de l’agir droit ». La possibilité de l’accès à l’être se trouve pourtant soulignée par le pape et le zoïle, tout à sa querelle, n’a pas vu le soulignement pontifical. Voici ce qu’écrit Benoît XVI, commentant l’expression de saint Paul que nous venons de citer : « A Luther, pour qui la Lettre aux Hébreux n’était pas très sympathique, le concept de substance, dans le contexte de sa vision de foi, ne disait rien. C’est pourquoi il comprit le terme substance non dans le sens objectif d’une réalité présente en nous, mais dans le sens subjectif, comme expression d’une expérience (…) : une disposition du sujet. Cette interprétation s’est affermie même dans l’exégèse catholique… »
Et de contester la traduction proposée par la Bible œcuménique en langue allemande, qui se contente d’exprimer une espérance toute subjective. « La foi, écrit le pape, n’est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir mais qui sont encore absents. Elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue ». N’est-ce donc pas « la possibilité de l’accès à l’être », ce don de quelque chose qui est quelque chose de divin ? N’est-ce pas, sans le nom certes, la manifestation même du surnaturel divin, ce surnaturel que la théologie appelle justement (il n’y a pas de hasard) surnaturel quoad substantiam et que le catéchisme nomme la grâce sanctifiante ?

Pourquoi faut-il qu’on ait l’impression que l’abbé cherche la petite bête ? Et pourquoi laisse-t-il voir avec tant de maladresse qu’il ne l’a pas trouvée, qu’il a attrapé une ombre, qu’il s’est – gravement – mépris sur le sens théologique de l’encyclique ?

Et ce qu’il nous dit ensuite sur la rédemption, en laquelle le pape ne croirait pas, n’est-ce pas tellement énorme que – chat échaudé craint l’eau froide – on n’y croit pas, on n’y croit plus. Cette fois, alors que le pape parle magnifiquement de la compassion du Christ pour les hommes, citant du reste un texte de saint Bernard, le zoïle, s’abstenant de mentionner Clairvaux, récuse cette compassion du Christ, au motif que cette compassion « ne serait pas efficace » : « Quand je viens visiter un malade, j’apporte mon petit rayon de soleil. Mais puis-je pour autant me proclamer sauveur de ce malade ? » demande l’abbé. Curieuse question pour un prêtre ! Lorsque par compassion pour le malade, je lui apporte le pardon de Dieu (la confession) et la sainte communion, je puis me dire corédempteur de ce malade. Lorsque le Christ souffre par compassion pour nous, sa souffrance n’est pas simplement humaine, elle est divinement efficace.

Est-il interdit de parler, à ce sujet, de compassion du Christ ? Mais alors ce n’est pas seulement saint Bernard qu’il faudrait contredire mais saint Paul lui-même : « Il a fallu que le Christ, en tout semblable à ses frères, fût un pontife compatissant, car c’est des peines et des souffrances mêmes par lesquelles il a été tenté et éprouvé qu’il tire la vertu et la force de secourir ceux qui sont ainsi tentés » (Hebr. II, 18). Pontife compatissant ? Ainsi Lemaistre de Sacy, avec une grande sûreté, traduit-il l’adjectif miséricordieux du texte originel. C’est que la miséricorde du Christ n’est pas seulement divine ; elle est humaine, et en cela vraiment compatissante…

L’événement - La nouvelle-nouvelle Messe des dominicains bataves - Daniel Hamiche



L’événement - La nouvelle-nouvelle Messe des dominicains bataves - Daniel Hamiche


Le Royaume des Pays-Bas compte 4,3 millions de sujets catholiques – sans compter les sujets de mécontentement… Le dernier en date que nous fournit le catholicisme néerlandais – qui n’en fut pas chiche depuis un demi-siècle : souvenons-nous du funeste Catéchisme – se présente sous la forme d’un rapport intitulé Kerk en Ambt (Église et Ministère), œuvre de quatre théologiens dominicains de la province des Pays-Bas.

Ce texte, qui a été rendu public le 1er septembre 2007, et diffusé directement – par-dessus la tête des évêques… – aux quelque 1 400 paroisses des sept diocèses néerlandais, n’est pas un texte spontané de quelques dominicains en proie à un prurit textuel, mais une commande du chapitre de cette province, qui s’est tenu en juin 2005. Une grave question y fut débattue : « La célébration de l’Eucharistie dépend-elle du ministère d’hommes ordonnés ou est-il possible que la communauté ecclésiale ou les pasteurs qu’elle a nommés célèbrent eux-mêmes l’Eucharistie ? ». Le rapport commandé fut rédigé, transmis au provincial et à son conseil, puis approuvé par ces derniers le 11 janvier 2007.

Ce texte part du constat de la diminution dramatique du nombre de prêtres aux Pays-Bas sans en expliquer les causes. Quant aux chiffres voici ceux que j’ai pu réunir : ordinations sacerdotales en 1960 : 318 ; en 1977 : 16 ; en 2005 : 3 ! En quarante ans, 100 fois moins ! L’après Concile voit 2 000 prêtres abandonner le ministère ou réduits à l’état laïc. L’après Concile voit encore les 50 petits séminaires supprimés, les 7 séminaires diocésains regroupés en 5 Instituts de Théologie aux mains des pires dissidents, qui ne sont que des « avortoirs de vocations sacerdotales » (P. J. Bots, s.j.). On compte aujourd’hui à peine 500 prêtres diocésains en activité. Les “missalisants” sont moins de 300 000. Le nombre de Messes dominicales chute : 2 200 en 2002, 1 900 en 2004, tandis que les “adap” progressent : de 550 à 630 en ces mêmes années.

Devant une telle catastrophe, que suggèrent les dominicains ? Trois propositions qu’ils « pressent les paroisses de mettre en œuvre » :
1°) ceux qui président l’Eucharistie (traduisons : qui célèbrent la Messe) doivent pouvoir être élus par la « base » (les fidèles) et non être désignés par le « haut » (l’évêque) ;
2°) « prononcer [les] paroles [de la Consécration] n’est pas une prérogative réservée au prêtre [car] de telles paroles constituent l’expression consciente de la foi de la communauté tout entière » ;
3°) présider la célébration de la messe relève, par conséquent, du choix de la communauté : « Peu importe que ce soit un homme ou une femme, un homosexuel ou un hétérosexuel, une personne mariée ou un célibataire » ; si l’évêque donne son consentement : tant mieux ; s’il le refuse : tant pis…

En matière d’insolence vis-à-vis des évêques et de désobéissance envers la doctrine et la discipline catholiques, difficile de faire mieux que ces dominicains. Un rappel à l’ordre s’imposait. Le timide épiscopat néerlandais – il faut dire qu’il est depuis longtemps impotent, par faiblesse ou connivence envers les dissidents – en a appelé à la Congrégation pour la doctrine de la Foi qui a préféré laisser au Maître général des dominicains, le fr. Carlos Azpiroz Costa, le soin de faire le ménage. Ce qui s’est traduit par la commande d’un rapport au dominicain français Hervé Legrand [voir article ci-dessous] publié dans La Croix du 24 janvier et sur le site des frères prêcheurs deux jours plus tard. La position schismatique des dominicains est dénoncée mais « leur cri d’alarme » justifié, certaines de leurs suggestions défendues… mais les causes de la crise prudemment esquivées !

Peut mieux faire ! - On n’a pas fini de rire. Ou de pleurer… - DH

Peut mieux faire ! - On n’a pas fini de rire. Ou de pleurer… - DH

Un bon communiste vous le dira : dans un procès visant à éliminer un militant qui gêne, rien ne vaut de le faire instruire par son plus proche camarade… C’est à se demander si l’ordre des frères prêcheurs na pas été inspiré par ce principe bolchevique en demandant au dominicain Hervé Legrand de se livrer à une « lecture ecclésiologique » de Kerk en Ambt

Le théologien Hervé Legrand, professeur honoraire à l’Institut Catholique de Paris, grand admirateur du cardinal Martini, se livre, dans sa critique gênée des délires de ses confrères néerlandais, à un brillant numéro d’équilibriste. Comment condamner leurs hérésies tout en laissant entendre qu’elles n’en sont pas – ou qu’elles pourraient ne plus l’être dans dix ou vingt ans ? C’est intellectuellement malhonnête, mais fichtrement habile. Pas au point, toutefois, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Au fond, ce que le P. Legrand reproche aux dominicains bataves c’est d’être allé trop loin et trop vite et, par leurs excès, d’éloigner « ainsi la possibilité réelle d’ordonner des chrétiens mariés ». Car le P. Legrand est pour qu’on en finisse avec ce « handicap ». Il n’est pas davantage hostile à l’ordination des femmes, mais contre « la centralisation actuelle excessive » de l’Église – son modèle “ecclésiologique” est celui du cardinal Kasper, le seul prélat romain qu’il cite dans son rapport, et non celui du pape Ratzinger – et contre les « positions si rigides de l’Église » sur la contraception…

Golias tombe à bras raccourcis sur le P. Legrand, pourtant de « sensibilité si ouverte », chargé de cette « commande doctrinale que certains de ses écrits dans ce domaine [dont Golias annonce la parution prochaine] contredisent magistralement la thèse de son présent rapport ».

Observer le gang modernisto-progressiste s’entre-déchirer est un fin et raffiné plaisir de gourmet…

C’est à lire - Edith Stein ou le culte de Moix - Joël Prieur

C’est à lire - Edith Stein ou le culte de Moix - Joël Prieur

Un aérolithe. Un objet littéraire non identifié. Le dernier livre de Yann Moix sur Edith Stein, a quelque chose d'irréel. Privilège de la littérature, ce pouvoir de... tout dire ! On se souvient de Podium, ce livre puis ce film à succès, consacré à Claude François, à sa légende, aux Claudettes et aux sosies du chanteur. Il n'est pas donné à tout le monde de chanter Alexandra sur le même rythme, avec la même gestuelle et des Claudettes aussi efficaces, que l'original, Claude François. Inoubliable bataille des sosies !

On a de la peine à se dire en lisant Mort et vie d'Edith Stein qu'il s'agit bien du même auteur, Moix lui-même. Plus de strass, plus de paillettes, plus de Claudettes. La jeune fille dont il nous parle est une philosophe. Elle ne cherche pas à faire illusion ou à ressembler à qui que ce soit. Juive, athée, elle cherche la vérité, rien de moins ! Et on sent à chaque page, que cette vérité, il n'y a pas qu'elle qui la cherche. Le lecteur est sommé de s'y intéresser aussi, et en quels termes ! Moix néophyte vomit les tièdes. Il entend bien faire partager sa nouvelle passion : « Hé, lecteur ! Tu as fait quoi de ta vie ? Je sais que tu triches, que tu n'es pas très sincère. Que tu (te) mens. Tu ne sais pas que faire de tes journées, tu as peur de rester tout seul chez toi. Tu trembles peureux, et je sais que : tu as peur de la peur. Vaguement tu déprimes. Tu te promènes, tu fais des “achats”, tu te trémousses dans quelques lits, avec des corps frôlés : tu jouis, hop, hop (c'est fait, arrrgh). Tu te fais croire parfois, devant une feuille blanche, que toi aussi tu as des idées, que toi aussi tu es un gros malin, que tu as des choses politiques, thermodynamiques, poétiques, philosophiques à dire. Tu prends des notes. Tu écris ton journal. Tu confies des choses à ton blog. Ça pour bloguer, tu blogues. Tu dois pas prier des masses, tel que je te connais (je ne te jette pas la pierre, je ne prie pas non plus). Je voudrais que pour une fois tu t'intéresses à une sainte : que tu te passionnes pour : Edith Stein ».

J'ai voulu consigner intégralement ce morceau de bravoure, parce qu'il résume bien l'ambition de Moix et la manière dont il la réalise. Le style. On reconnaît les “deux-points” qui rythment cet avertissement au lecteur, comme un tic particulier à l'auteur. Une manière de souligner, sans trop s'en donner l'air, ce qui est vraiment important. Une façon d'attirer l'attention. Pas pour frimer, pour convaincre. Pour toucher, pour atteindre le lecteur, et son esprit embrumé : « Nous avons besoin de savoir, et nous n'avons besoin que de savoir ». Certains critiques (catholiques bien sûr) se laissent aller à dire : Moix ? Il a fait Edith Stein pour les nuls. Et de nous conseiller de gros livres ennuyeux où l'on trouvera sans doute, après de longs efforts archéologiques, le vrai visage de celle qui est devenue sœur Bénédicte de la Croix, sans jamais cesser d'être l'élève préférée du philosophe Husserl. Il en a lu des biographies de son héroïne, Moix. Aussi bien ce n'est pas une bio qu'il nous propose. Et la raison qu'il donne vous fera comprendre qu'il va beaucoup plus loin que les bios pour les nuls et que les nuls qui se contentent des bios. Pour lui, Edith Stein est : éternelle. Cette jeune fille absolument normale, dont il ne nous épargne pas les pulsions sexuelles, dont il nous dit que, comme toutes les filles de son âge « elle n'était que corps », il nous la montre autrement, au bout de son parcours : transformée. Changée. Portant jusque dans sa conversion, portant dans son martyre à Auschwitz quelque chose du secret de son peuple. Rimbaud l'a dit en vers inoubliables : « Elle est retrouvée Quoi ? L'éternité. C'est la mer allée, avec le soleil ». Le poète est allé trouver l'éternité en Abyssinie. Mais le soleil de Yann Moix est à Auschwitz. Tel est le sacré pouvoir de la littérature !

Je n'aimais pas Edith Stein, je la trouvais allemande, pédante, toujours embarrassée de mots. Mais il faut bien reconnaître à Yann Moix son coup de foudre. Décidément oui : il est crédible !

Yann Moix, Mort et vie d'Edith Stein, Grasset, 2007, 196 pp., 14,90 euros

Facta sunt

Facta sunt
  • Le pape empêché de se rendre à La Sapienza de Rome, est-ce un échec ? Une fois de plus Benoît XVI, en se contentant d’envoyer une version écrite de son discours à l’Université de Rome parce qu’une poignée de gauchistes ne souhaitait pas sa venue, a joué fin. Et il a gagné ! Il s’est victimisé aux yeux de tous, recevant les excuses du Président de la République italienne, l’ex-communiste Giorgio Napolitano. Quant à Romano Prodi, le président du Conseil de Centre gauche, il a assuré le pape de « son affection » en déplorant « l’intolérance » des agitateurs laïcistes. Que pesaient les quelques centaines de manifestants de La Sapienza (une université qui compte 130 000 étudiants), face aux 200 000 catholiques rassemblés au même moment en protestation pour soutenir leur pape, sur la Place Saint-Pierre ?
  • Le pape, dos au peuple, célébrant la messe en italien à la Chapelle Sixtine, cette image aura suffi à provoquer de nombreux commentaires divergents. C’est à l’occasion de la célébration de 13 baptêmes, dans un contexte de forte diminution du nombre des baptisés en Italie, que le pape a célébré ainsi. En Europe occidentale, les épiscopats se sont employés à minimiser ce geste, qui a été très commenté par les orthodoxes en particulier en… Russie, où les autorités religieuses ont vu dans cette image qu’a voulu donner le Successeur de Pierre, un signe de retour à la Tradition apostolique ! On peut se demander s’il n’y a pas là avant tout un signe du sens de l’humour de Benoît XVI…
  • Un évêque assyrien résidant aux États Unis, Mar Bawai Soro, a demandé son rattachement à Rome avec tous ses prêtres et ses fidèles. L’Église assyrienne, présente en Irak, est une Église nestorienne (ne reconnaissant ni le concile d’Éphèse en 431, ni le concile de Chalcédoine en 455), dont la liturgie, antique, est en araméen, la langue du Christ. Il faut noter que depuis le XVIe siècle, de nombreux Assyriens se sont rattachés à Rome, ce sont les Chaldéens catholiques, qui ont la même liturgie que leurs cousins non ralliés. Il ne serait pas étonnant d’assister à d’autres demandes de ce type de la part de chrétientés anté-chalcédoniennes, de plus en plus isolées. Loin d’apparaître comme un repoussoir à cette forme d’œcuménisme qui réussit, la rigueur théologique du pape régnant apparaît comme une garantie pour tous.
  • Les scouts d’Europe crossés par Rome parce qu’ils avaient publié leur volonté de ne pas appliquer le Motu proprio Summorum pontificum (cf. Objections n° 12). Ils ont récemment reçu une lettre du cardinal Castrillon, leur enjoignant d’avoir à le faire. « L’AGSE (Association Générale des Scouts d’Europe) a toujours montré une grande fidélité et un esprit d’obéissance à l’Église. Nous allons, bien entendu, prendre en compte cette lettre et examiner les conséquences qu’elle entraîne » ont déclaré sur le Forum de l’association les deux Commissaires généraux Marie-Hélène Morel et Jean-Michel Permingeat.
  • Le 2 avril prochain, on célébrera le quarantième anniversaire de la première apparition de la Vierge Marie à Zeitoum dans la banlieue du Caire en Égypte. Ces apparitions silencieuses ont eu lieu durant toute l’année 1968. La Vierge s’est montrée à des dizaines de milliers de personnes, au-dessus de l’église copte de l’endroit. Musulmans et catholiques ont pu la voir chaque soir, seule ou accompagnée de Joseph avec l’enfant Jésus. On sait que l’Égypte voue un culte particulier à la sainte Famille. À noter le pèlerinage organisé là-bas par le docteur Doublier Villette et les Croisés du Sacré Cœur, du 3 au 16 avril prochain.
  • Mgr Malcom Ranjith, secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin récidive. Il stigmatise le refus d’obéissance au Motu proprio et dénonce l’attitude de certains évêques qui se croient au-dessus du successeur de Pierre et refusent ou dévoient le contenu et l’intention du Motu proprio au sujet du missel de Jean XXIII.
    L'attitude d'« autonomie » montrée « parmi quelques ecclésiastiques », mais également « dans les plus hauts rangs de l'Église » ne correspond certainement pas « à la noble mission que le Christ a confiée à son Vicaire, le Pape », affirme l'archevêque dans un entretien à Fides, l'agence de presse de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples.
    « Nous redoutions cette attitude de certains qui, de toute évidence, sont très engagés dans le progressisme ; ce n’est pas qu’ils soient radicalement opposés à cette décision du pape pour elle-même mais bien parce qu’elle induit l’incitation à réformer une pastorale qui fleure bon l’apostasie tranquille. Il est évident que ce document qui est un acte de charité envers ceux qui ont une sensibilité conservatrice appuyée, introduit un inévitable examen de conscience au cœur même de l’Église. La liturgie est intimement liée à la pastorale ».
    Mgr Albert Malcolm Ranjith, critique la désobéissance de certains évêques envers le Pape Benoît XVI pour la récente publication du Motu Proprio qui a libéralisé la messe préconciliaire (la soi-disant messe en latin) et réaffirme son « non » aux « danses », « instruments musicaux », « chants» mais même « certaines homélies de caractère politico-social (…) Nous avons récemment appris que des instructions liturgiques, sous prétexte d’adaptation aux enfants, se situent radicalement à l’opposé des directives de Rome et de ses interdits. Ces dispositions ne sont pas toujours le fait d’évêques qui sont confrontés à une désobéissance radicale de certains prêtres. Ces prêtres sont, soit très infortunés dans leur formation initiale, soit qu’ils ont été influencés par des détournements idéologiques dans lesquels ils ont noyé leur conscience au point d’avoir perdu le sens même de leur sacerdoce (…) D’autres prêtres enfin, par faiblesse de caractère ou par confort, se laissent commander par des laïcs incompétents, à la prétention enfantine ; parmi ceux-ci, les plus décidés et les plus dangereux veulent demeurer à un poste de responsabilités sans lequel ils n’auraient pas le sentiment d’exister. Ils font porter à l’Église une charge terrible et se mettent eux-mêmes dans la perspective de perdre leur salut. Nous avons vu certains de ces laïcs engagés dans l’Église préférer détruire une activité pastorale qui produisait d’excellents fruits plutôt que de ne plus pouvoir la contrôler, ces faits se sont produits dans mon diocèse ».
  • « Il est possible que nous nous soyons trompés ». Voilà ce que Christopher Bronk Ramsey, directeur de l’accélérateur radiocarbone d’Oxford, vient de déclarer dans une interview à la BBC, selon le quotidien italien La Stampa du 26 janvier, à propos des résultats de l’expertise au Carbonne 14 concernant l’âge du Linceul de Turin (datés en 1988 par les « scientifiques » comme remontant à une fourchette s’étalant de 1260 à 1390 après Jésus). Il se trouve que c’était précisément son institut, ainsi que des laboratoires C14 de Zürich (Suisse) et de Tucson (USA), qui, sous la direction de son prédécesseur, avaient conclu à la non-authenticité de cette Relique conservée et vénérée par l’Église depuis de nombreux siècles. À l’époque, ce verdict négatif avait troublé de nombreuses personnes. Selon Mgr Giuseppe Ghiberti, président de la commission vaticane pour le Linceul de Turin s’exprimant dans le quotidien catholique L’Avvenire du même 26 janvier, Ramsey reconnaît aujourd’hui que la méthode du C14 n’est pas applicable au Linceul de Turin en raison des circonstances très mouvementées de son voyage à travers les siècles et les pays, voyage qui en a modifié les caractéristiques chimiques et autres. Mgr Ghiberti a notamment précisé que ce tissu ne nous serait pas parvenu au début du XIXe siècle « dans un conteneur scellé ». Ramsey, pour défendre son Institut, déclare qu’en 1988 les « scientifiques » n’auraient pas pris vraiment connaissance de l’histoire mouvementée du Linceul (!). Deuxième élément d’explication : les instituts auraient probablement focalisé leurs recherches sur des matières organiques, qui ne faisaient pas partie du Linceul original (UNEC).

L’humeur - Nos enfants livrés aux frustrés ! - Pierre Voisin

L’humeur - Nos enfants livrés aux frustrés ! - Pierre Voisin

L’expo « Zizi Sexuel » est une nouvelle offensive de perversion de l’enfance organisée par des débris de Mai 68, avec la bénédiction de l’Éducation nationale et dans le silence assourdissant du catholicisme institutionnel.

Le titre annonce le contenu : de l’humour à trois sous et des expériences aussi pédagogiques que le « zizi-piquet » (l’enfant appuie sur une pédale pour faire lever le sexe d’un mannequin), l’« orgue à odeurs » (répand de mauvaises odeurs corporelles) ou la « ola des capotes » (on gonfle des préservatifs en appuyant sur un bouton)… Certaines activités sont plus équivoques : dans un endroit interdit aux parents (pour préserver la pudeur des gamins !), les petits visiteurs apprennent que la masturbation leur permettra de mieux connaître leur corps, ou que l’homosexualité doit être placée sur le même plan que l’hétérosexualité… L’ensemble de l’exposition est inspiré par le Guide du Zizi sexuel, publié par Hélène Bruller et le dessinateur Zep, dont le personnage, Titeuf, est omniprésent sur le parcours.

Rappelons que ces « informations » s’adressent à un public de gamins, dont les plus jeunes sont scolarisés en CM1 ! Les écoles sont conviées par la Cité des Sciences et le ministère de la Jeunesse et des Sports – avec la bénédiction de l’Éducation nationale – à emmener leurs élèves voir l’expo. 600 classes s’y seraient déjà rendues.

On aurait pu s’attendre à ce que les associations familiales catholiques protestent, à ce que les responsables de l’enseignement catholiques émettent une mise en garde, voire à ce que l’évêché de Paris s’indigne de cette souillure infligée aux enfants. Tous sont restés d’une discrétion de rosière. La seule riposte est venue de l’association SOS-Éducation, qui a lancé une pétition pour exiger que les parents soient informés par les écoles avant d’autoriser leurs jeunes à se rendre à l’exposition, et qui a monté un Comité local présidé par Élisabeth Pila, mère de quatre enfants.

« Il faut cesser de prendre nos enfants pour des idiots », nous explique cette dernière. « Ils sont capables de recevoir une information sur la sexualité qui ne se résume pas à des plaisanteries graveleuses. Il appartient d’ailleurs aux parents de la leur délivrer, en fonction de leur caractère et de leur sensibilité. Or, le personnage de Titeuf, auquel les enfants sont appelés à s’identifier, présente le monde des adultes, y compris en matière de sexualité, comme “dégueulasse”. Curieuse approche, pour des organisateurs qui se veulent “libérés“ » ! Et les enfants que l’on croise sur le parcours de l’exposition trouvent effectivement ça « dégoûtant ». Comment pourrait-il en aller autrement, puisque la sexualité n’y est jamais liée à l’amour – tout au plus à un sentiment né du désir : « Il est mignon… » Elle semble donc se ramener à un simple mécanisme, expliqué à grand renfort de dessins crados et de commentaires à l’avenant : « La fente de la fille se mouille et le zizi du garçon devient dur comme un piquet… ». Les ados de 14 ans hausseront les épaules et les petits de 9 ans seront inquiets.

Qu’avaient donc en tête les organisateurs du « Zizi Sexuel » en préparant cette exposition ? Leur porte-parole, aperçue sur le plateau de télévision du lamentablissime Paul Amar, paraît sortie d’un album de Claire Brétécher, la créatrice des Frustrés. Est-il vraiment nécessaire de confier l’éducation sexuelle de nos enfants aux derniers naufragés de mai 68 ?

C’est eux qui le disent…

C’est eux qui le disent…
  • De France Catholique (16 janvier), sous la plume de Gérard Leclerc, ce compte rendu des Notes, prises au jour le jour par le Père de Lubac pendant le Concile et enfin éditées : «Le Père de Lubac est singulièrement monté contre l’épiscopat français. Sans être une découverte totale pour moi, c’est quand même une donnée dont je n’avais pas suffisamment pris conscience et qu’explique le cheminement chaotique de l’Église de France dans la période post-conciliaire. Notre théologien découvre que nos évêques sont conseillés par des esprits faibles ou carrément déviants. Mais du coup, c’est la pastorale française dans son ensemble, avec l’évolution générale de l’Action Catholique qu’il met en cause avec sévérité. A certains moments, le si aimable Père de Lubac devient cinglant, presque plus qu’il ne l’avait été à l’égard des intégristes qui l’avaient tellement persécuté (…) Du coup notre observateur prend conscience a posteriori de la véritable portée de la résistance intégriste à tout renouveau théologique ». Fermez le ban ! Le Père de Lubac a ici tous les droits !
  • À propos de la chute de Nicolas Sarkozy dans les sondages, de Nicolas Domenach dans Marianne (19 janvier) : « Le Président veut être heureux comme tout le monde. Mais il n’est pas tout le monde, justement. Il est le monarque républicain, dont la gravité, jusqu’ici exigée, ne signifie pas seulement une nécessaire majesté, mais une prise en compte et en charge des souffrances de son peuple ». Nostalgie quand tu nous tiens !
  • Sur la légitimité d’une pluralité de rites dans l’Église, Mgr Nicolas Bux, consulteur du Saint-Office à Rome, déclare à l’abbé Claude Barthe dans L’Homme Nouveau (2 février) : « L’unité catholique s’exprime proprement à travers la complémentarité des diverses formes rituelles », manière de dire qu’aucun rite ne peut se déclarer critère de communion dans l’Église.

L’entretien du mois - Au nom de l’innocence

L’entretien du mois - Au nom de l’innocence

Homayra Sellier, quinqua flamboyante, a décidé de consacrer son énergie à réparer et à prévenir les dégâts de ce qu’elle n’appelle plus la pédophilie mais la pédocriminalité. Elle se bat au nom de l’innocence !


Vous dirigez une association internationale « Innocence en danger ». Croyez-vous vraiment que la pédophilie est un danger qui n’est pas marginal mais menace aujourd’hui potentiellement tous les enfants ? Avez-vous des chiffres ? Quel est le pourcentage d’incestes dans les délits de pédophilie ?
Non le phénomène n’est pas marginal. Certes il n’existe pas d’enquête précise en France sur ce sujet, mais aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, on parle d’un enfant sur cinq sollicité sur Internet. Certaines enquêtes descendent même à un enfant sur trois, il me semble que là c’est exagéré, mais cela donne une tendance. Attention, je ne suis pas contre Internet. La Toile est le reflet de ce que nous sommes. Je vous invite simplement, si vous êtes incrédule sur ce danger social de la pédocriminalité et des cyberpédophiles, à faire une expérience : mettez-vous sur des sites de tchat ou de communication comme Skype, et présentez-vous en tant que mineur isolé, malheureux ou fragile, et vous verrez si vous n’êtes pas abordé par un monsieur qui, sans même cacher son âge, vous entraînera vite dans des questions sexuelles. Il faut savoir qu’aujourd’hui 87 % des jeunes de moins de 17 ans sont familiarisés avec Internet. Cela touche donc potentiellement toute cette tranche d’âge. Quant à ce que vous dites de l’inceste, il est vrai que le nombre des violences intrafamiliales est très élevé, violence pas seulement sexuelle d’ailleurs. On donne le chiffre de 50 %. Cela n’empêche pas qu’il y ait cumul et que des violences intrafamiliales ne débouchent sur la publication de photos sur Internet ou sur une exploitation par des réseaux de pédocriminalité.
À quelle occasion avez-vous créé cette association internationale qu’est l’association Innocence en danger ?
Ce fut en 1999 le démantèlement du plus important réseau de cybercriminels dans le monde, au cours d’une Opération Cathédrale, à laquelle participaient les polices de quatorze pays. Cela s’est soldé par l’arrestation de plusieurs centaines d’individus, tous liés au réseau Wonderl—and. Le type qui est à l’origine de tout le réseau habitait San José en Californie. Justement, avec lui, il y a les trois dimensions en même temps : intra et extra-familiales et Internet. Lorsque sa fille invitait des copines en week-end, il venait les chercher en pleine nuit et il les violait en direct sur Internet, après avoir donné un rendez-vous aux membres du Réseau.
Vous parlez de tout cela avec fougue. On sent que vous voulez remuer des montagnes pour changer les choses. Y a-t-il au fond de votre engagement des raisons plus personnelles ?
Il est vrai que lorsque je suis arrivée en France, très jeune, pour faire mes études, mes parents sentaient venir la révolution iranienne et ils tenaient à ce que j’ai une bonne éducation. J’étais extrêmement ignorante, innocente, je ne savais pas ce qui se passait entre un homme et une femme. Heureusement je n’avais pas besoin d’argent, mais j’ai eu des copines qui étaient sollicitées de manière à peine voilée, au Trocadéro, sur les Champs-Élysées. Il y a eu des viols et l’une de mes amies s’est suicidée à cause de cela, peu après son mariage. J’ai promis que je ferai quelque chose pour ces enfants-là !
Vous êtes mère de famille. Qu’est-ce qui vous meut ? L’amour des enfants ?
Il y a des enfants qui me disent : « Tu as une grande charité ». Mais pour moi, il ne s’agit pas de charité ! Mon action a un enjeu social, public. J’entends rendre service à la société. Demain, les enfants maltraités ou violés feront partie de notre société. Si l’on ne s’en occupe pas, ils ont statistiquement plus de chance de devenir cocaïnomanes, ou dealers, de pratiquer des automutilations, d’être suicidaires. Et puis vous savez bien que la maltraitance engendre la maltraitance. Ils pourront eux-mêmes être du côté des bourreaux.
Votre association s’occupe particulièrement des enfants traumatisés ?
Oui, nous demandons que ces enfants aient un statut de victime et une aide de la société. Aujourd’hui ce ne sont pas les enfants qu’on aide, ce sont les criminels. Le suivi psychologique est réservé au violeur, pas à sa victime. Nous avons voulu pallier cette carence en organisant des sessions d’équithérapie (thérapie par l’équitation) ou d’art plastique, au cours desquelles les enfants peuvent parler. Sur les trente enfants que nous recevons actuellement à Neuchâtel en Suisse, on peut dire que seuls deux continuent à développer un véritable malaise. Pour les autres, lorsqu’il y a assistance, on peut atteindre facilement à ce que l’on nomme en psychologie la résilience, le dépassement du traumatisme. Encore faut-il en prendre les moyens ! Si l’enfant ne parle pas, le risque peut être celui du suicide. Regardez l’affaire Keizermetz : cet instituteur, aimé de tout le monde a eu 55 victimes en 25 ans. Mais chaque fois que l’Éducation nationale recevait des plaintes, il était muté ailleurs, sans la moindre explication. Il a fallu que l’une de ses victimes, un garçon de 28 ans, se suicide, après avoir dénoncé son violeur juste avant qu’il y ait prescription…
Vous parlez d’un statut de victime. Mais vous n’avez pas peur d’une victimisation excessive, comme à Outreau par exemple ?
Écoutez à Outreau, il y a quand même eu des viols. Il y a quatre personnes sous les verrous aujourd’hui et elles savent pourquoi. Alors bien sûr, les enfants ont été manipulés. On leur a dit : “Si tu ne dénonces pas, je vais en prison”. Pour des enfants qui sont dans ce genre de familles marginales et qui sont régulièrement transformés en objets sexuels, la différence entre la vérité et le mensonge est difficile à faire. Et je crois que cette vérité, la justice doit la leur donner. Dans beaucoup de cas, par exemple, le procès se termine par un non-lieu. Les enfants reçoivent ce non-lieu. Il y a eu fellation par exemple, mais allez prouver ce genre de chose ! Eh bien nous nous battons pour que l’on exprime autrement le verdict de la Justice, que les victimes ne prennent pas ce “non-lieu” pour un déni de la société. Rachida Dati a promis à notre association de faire quelque chose dans ce domaine, pour que l’expression du Tribunal n’apparaisse pas comme un refus de la réalité du trauma. Laissons-la travailler !

Éditorial - Le droit de tuer ? - Laurent Lineuil

Éditorial - Le droit de tuer ? - Laurent Lineuil

Concomitants, les deux événements semblent ne rien avoir en commun ; pourtant ils témoignent tout deux, à des degrés divers, de l’épuisement d’une nation qui a perdu l’envie de vivre. D’un côté, le rapport de la commission Attali, qui organise rationnellement la disparition de la nation française, conformément à l’idéal de nomadisme généralisé de son président, en voulant favoriser l’arrivée d’immigrés et pénaliser les familles françaises. Logique qui rejoint celle du Planning familial, qui lançait fin janvier en Ile-de-France une grande campagne d’affichage (sur fonds public) sur le thème « Sexualité, contraception, avortement, un droit, mon choix, notre liberté », accompagnée d’une campagne de presse dans les médias bien-pensants, sur le thème : “la liberté d’avorter est toujours à conquérir” – comme si les 58 000 avortements pratiqués annuellement en Ile-de-France, sur un total national de 220 000 (soit 25 % pour 18 % de la population), étaient notoirement insuffisants, au regard d’on ne sait quel obscur planning d’autodestruction.

Pour lutter contre cette culture de mort, l’heure du réveil aurait-elle sonné ? Certes, nous sommes très loin encore, en France, de la réaction espagnole (deux millions de personnes dans les rues de Madrid le 30 décembre, à l’appel de l’Église, pour défendre la famille), ou même des 100 000 à 200 000 participants annuels de la March for Life de Washington, le 22 janvier, lesquels ont reçu un message d’encouragement du président américain avant que leurs représentants ne soient reçus à la Maison-Blanche. Pas d’encouragement présidentiel, on s’en doute, pour les 10 000 participants de la Marche pour la Vie parisienne, le 20 janvier – une affluence qui croît chaque année, depuis quatre ans que cette marche unitaire existe. Mais, fait nouveau, la marche était signalée (certes d’une simple ligne) sur la page d’accueil du site internet de la Conférence épiscopale française. Surtout, à défaut de joindre le cortège, six évêques français lui avaient manifesté leur appui : NN. SS. Aubry (Saint-Denis de la Réunion), Bagnard (Ars-Belley), Cattenoz (Avignon), Centène (Vannes), Fort (Orléans), Rey (Fréjus-Toulon). Toujours les mêmes, me direz-vous… Raison de plus de saluer leur constance dans les bons combats. À défaut de soutenir cette marche pour la vie, les évêques de la région Ile-de-France, eux, ont tout de même signé un communiqué commun pour s’élever contre le prosélytisme pro-avortement du Planning familial.

Mais si ce combat, comme le rappelle inlassablement Benoît XVI, est l’un des “points non négociables” sur lesquels les catholiques ne peuvent passer aucun compromis avec le monde, il n’est pas, Dieu merci, un combat purement confessionnel. Et même si l’issue peut aujourd’hui en paraître bien incertaine, elle l’est d’autant moins qu’il rejoint les intuitions profondes de la morale naturelle ancrée en tout homme. Si le débat idéologique semble à ce sujet bien verrouillé par les chiens de garde de la pensée unique, la décence commune trouve heureusement des voies parfois inattendues pour les contourner. On n’en prendra qu’un exemple, répandu par affiche sur les murs de nos villes pour la promotion d’un film. Sous le titre de celui-ci, Juno, l’image de l’actrice qui dans le film porte ce prénom, dont la photo de profil laisse voir à loisir un ventre bien arrondi ; et un slogan : « Enceinte ! et alors ? » L’histoire, d’autant plus inattendue qu’elle est signée d’une scénariste qui, loin d’appartenir à la majorité morale, est une ancienne strip-teaseuse qui se dit "pro-choix", est celle d’une jeune fille qui, tombée enceinte par accident, rejette l’avortement que tout le monde considère comme naturel et se met en quête d’un moyen d’accueillir l’enfant. Sur le mode comique (En cloque, mode d’emploi), tragique (4 mois, 3 semaines, 2 jours ou Le Bannissement) ou mystique (L’Île), il ne se passe pas de mois sans que le cinéma évoque l’avortement comme une absurdité, une tragédie ou une douloureuse erreur. C’est parfois par le biais de la fiction que le réel reprend ses droits.